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Succession en période de crise : quand le conseil d’administration devient stratège

  • Photo du rédacteur: Knowledge @ Alides
    Knowledge @ Alides
  • 13 mai
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 mai

Faire face à l’incertitude, ou la subir. Penser la relève, ou l’improviser.


Les crises révèlent la vérité des pouvoirs

Une crise n’est jamais simplement une perturbation conjoncturelle.
C’est un révélateur. Un miroir brutal tendu aux gouvernances.
Qu’il s’agisse d’un choc économique, sanitaire, géopolitique ou réputationnel, la crise agit comme un catalyseur : elle accélère les tensions latentes, bouscule les équilibres, déshabille les statuts pour mettre à nu la réalité du pouvoir.
Dans ce contexte, la question de la succession du dirigeant prend une dimension décisive. Elle ne relève plus du prévisionnel RH. Elle devient un enjeu de souveraineté. Et le conseil d’administration, s’il veut rester acteur, ne peut plus se contenter d’un rôle de supervision. Il doit redevenir stratège.
Pourtant, dans 60 % des cas, les plans de succession ne sont pas à jour.
Pire : ils ne tiennent compte ni des nouveaux risques, ni des transformations de l’environnement post-crise.

Crise + Succession : une combinaison hautement inflammable

A. Crise = désorientation, pression, polarisation
En situation de crise, les repères s’effondrent. Les collaborateurs doutent, les marchés réagissent, les parties prenantes s’impatientent. Les tensions internes s’exacerbent : faut-il maintenir la stabilité ou initier une rupture ? Faut-il sécuriser l’existant ou incarner un nouveau cap ?
B. La succession devient un enjeu symbolique et politique
Dans ces moments, le dirigeant peut cristalliser l’ancienne époque — celle d’avant la crise. Il devient, malgré lui, un symbole de ce qu’il faut dépasser. L’organisation, elle, cherche des signes clairs : un nouveau visage, une nouvelle énergie, un nouveau langage.
Mais sans anticipation, cette transition devient chaotique. Et l’incertitude rend les réflexes classiques inopérants.

Quelques cas emblématiques
• Air France (2022) : changement de gouvernance en contexte social tendu post-pandémie
• Credit Suisse (2023) : enchaînement de dirigeants dans un climat de défiance systémique
• Danone (2021) : départ du CEO sous pression du conseil, sans plan de relève structuré — résultat : désorientation interne, flottement stratégique

Ce que montrent les données : les conseils sous tension… et souvent à découvert
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
• 60 % des conseils d’administration n’ont pas de plan de succession actualisé depuis la dernière crise
• Les entreprises sans plan structuré perdent en moyenne 1,8 milliard de dollars de capitalisation lors d’une transition imprévue
• Le référentiel Boards That Lead rappelle que le board n’est pas un organe de validation : il est le garant de la continuité stratégique

Trois angles morts récurrents
1. Des plans de succession figés, conçus comme un exercice de conformité
2. L’absence de scénarios alternatifs : interim, tandem, succession externe, plan B…
3. Une protection excessive du CEO, parfois jusqu’au déni, empêchant toute discussion lucide

Infographie en trois blocs présentant des données clés sur l’absence de planification de la succession dans les conseils d’administration : –20 % de destruction de valeur en cas de succession non préparée (Gantchev), 60 % des conseils sans plan à jour, et 1,8 milliard de dollars de perte moyenne lors d’une transition imprévue.

Et si le board redevenait stratège ?


Frise chronologique en trois temps montrant les décisions possibles d’un conseil d’administration en période de crise. À chaque étape (signal faible, événement déclencheur, sortie de crise), deux trajectoires : l’une réactive et risquée (immobilisme, interim, confusion), l’autre anticipée et maîtrisée (veille, scénario activé, succession incarnée).
Adopter une logique de design, pas de validation
Le comité de nomination ne peut plus se contenter d’évaluer la performance d’un dirigeant en poste. Il doit se poser des questions de fond :
• Quelle trajectoire stratégique voulons-nous après la crise ?
• Quelles compétences doivent incarner cette vision ?
• Avons-nous plusieurs options prêtes à activer, dans différentes temporalités ?
La succession devient un acte de design organisationnel — pas un protocole de remplacement.

Trois leviers à activer
1. Scénarisation de crise
Prévoir plusieurs trajectoires :
• Succession planifiée
• Interim désigné
• Coprésidence temporaire
• Passage progressif sous co-accompagnement
2. Évaluation sous contrainte
Tester les talents internes dans des contextes simulés de tension :
• Résilience opérationnelle
• Prise de parole publique
• Leadership d’influence
3. Communication maîtrisée
Une transition floue est plus risquée qu’un départ annoncé. Il faut :
• Préparer les messages
• Synchroniser les organes (board, COMEX, RH, actionnaires)
• Sécuriser la confiance externe (investisseurs, presse, partenaires)

Diagramme triangulaire représentant trois postures possibles d’un conseil face à une succession : “Observateur” (attentisme, déni), “Réactif” (succession précipitée sous contrainte), et “Stratège” (anticipation, scénarisation, évaluation, communication). Chaque posture est illustrée par un pictogramme et associée à une couleur symbolique.
Gouverner le passage, même en mer agitée
On dit souvent qu’une crise révèle les hommes. C’est vrai.
Mais elle révèle surtout la gouvernance.

Un conseil capable d’anticiper, de scénariser et d’accompagner la relève dans les turbulences renforce sa légitimité institutionnelle.
Il rassure, il stabilise, il projette.

À l’inverse, une transition mal pensée, improvisée ou dissimulée aggrave la désorientation collective, déstabilise l’image externe et détériore la confiance interne.
La souveraineté d’un board ne se mesure pas dans le confort.
Elle se révèle dans sa capacité à piloter le pouvoir… quand le sol tremble.


 À lire dans le dossier « Gouverner, c’est transmettre »

La succession ne dit pas seulement qui part, mais ce que l’organisation a (ou non) construit pour durer. Un pouvoir souverain se mesure à sa capacité à se transmettre sans se dissoudre.
Une lecture historique et systémique : pourquoi les organisations tombent quand elles échouent à renouveler leur élite.

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